46. Motore, motore!

Notre Airbnb est pas mal mais il n'y a qu'une fenêtre et elle donne sur le hall de l'immeuble. Pas moyen de savoir s'il fait beau donc. Pendant que Sophie se prépare, j'allume la télé et je regarde les informations du jour. J'ai en effet besoin de me rassurer sur mon niveau d'italien. La veille, nous avons été confrontées au dialecte napolitain et je peux vous dire que c'est pas de la tarte... Ou devrais-je dire de la sfogliatella pour faire plus couleur locale ? La sfogliatella, c'est un peu comme notre croissant ou notre pain au chocolat. C'est une pâtisserie typique de la Campanie et il y en a de plusieurs sortes :
- la sfogliatella riccia qui ressemble à un coquillage
- la sfogliatella frolla qui ressemble à un petit chausson
A l'intérieur, de la ricotta, de la vanille et des fruits confits. 
Une tuerie. 
Goûter cette spécialité est, bien évidemment, le premier objectif de notre journée. Nous nous arrêtons chez Scaturchio, une pâtisserie vieille de plus d'un siècle et qui se trouve en bordure de la Piazza San Domenico Maggiore.  
C'est décidé, j'en mangerai au moins une tous les jours. On ne sent pas trop les fruits confits pour ceux qui ne sont pas fan (c'est mon cas). Sophie a une préférence pour la frolla, moi, je n'arrive pas encore à me décider. La garniture est vraiment excellente et en plus elles sont servies tièdes. 
Après cet excellent petit-déjeuner en terrasse, nous nous dirigeons vers la Cappella Sansevero, chef-d'oeuvre de l'architecture baroque napolitaine. Elle appartenait au palais de la famille Sansevero puis fut transformée en tombeau familial en 1613. A l'intérieur se trouve le fameux Cristo velato du sculpteur Giuseppe Sanmartino. 
Nous n'avions pas le droit de prendre des photos à l'intérieur et valait mieux pas défier l'oeil de lynx de la surveillante... En tout cas, on ne savait plus où donner de la tête entre la finesse de ce drapé, la précision d'un filet de pêche de la statue Il Disinganno, le sol de forme labyrinthique... Nous nous extasions de tout cela avec Sophie et débattons telles des férues d'histoire de l'art, ce qui donne : "et mais à la base c'est juste un bloc de marbre c'est ouf, non ?". Et ouais on a pris des cours à l'Ecole du Louvre nous ! D'autres photos pompées sur la toile pour vous donner une meilleure idée de ce capolavoro : 
Nous continuons notre visite de Naples. Au programme, la statue de Pulcinella, le Duomo, la chiesa del Gesù Nuovo et puis tout simplement la vie napolitaine. L'énergie dégagée par cette ville est tellement forte qu'on en oublierait presque les musées et les monuments. Happés par son énergie et sa géographie. En effet, les rues sont parfois si étroites et si chargées en objets en tout genre qu'on a parfois du mal à distinguer une église d'une alimentari. 
En chemin vers le duomo, nous tombons nez à nez (haha) avec la statue de Pulcinella, le célèbre personnage de la Commedia dell'arte. Toucher son nez porterait chance. J'apprends, grâce au Routard, que Polichinelle est né d'un oeuf, tel un poussin (pulcino en italien). A la Renaissance, on disait des femmes enceintes qu'elles avaient un poussin dans le ventre. Au fil du temps, cette expression est passée dans la langue française sous la forme "avoir un polichinelle dans le tiroir". 
Le Duomo ne paye pas vraiment de mine, pas de marbre polychrome ou de mosaïques dorées à l'instar de celui de Sienne. A l'intérieur cependant, quelques merveilles : 
- le tombeau du roi Charles d'Anjou, frère de Saint Louis et 1er roi de Naples
- les ampoules contenant le supposé sang de San Gennaro, Saint Patron de Naples, qui se liquéfie trois fois par an
- le trésor de San Gennaro dont la valeur dépasserait celle des joyaux de la couronne d'Angleterre et des tsars de Russie.  
Sur la dernière photo, Sophie qui met son pied pour me faire râler. J'aimais bien les boursouflures de la cape mais on est quand même loin de la finesse du Cristo velato. 
Après le duomo, direction la piazza del Gesu Nuovo qui a servi de décors au film Mariage à l'italienne de Vittorio De Sica avec Marcello Mastroianni et Sophia Loren. La place est mignonne, sans plus. Nous avons préféré la Piazza San Domenico Maggiore, peut-être en raison des délicieuses sfogliatelle. Nous entrons dans la chiesa del Gesu Nuovo dont la façade est malheureusement en travaux. A l'intérieur, une forte concentration de sculptures et de peintures baroques de la ville. Nos cerveaux commencent à saturer, sûrement à cause de la faim. Après un petit tour dans l'église, nous reprenons notre route et nous nous engouffrons dans le quartier espagnol où se trouve la Trattoria Da Nennella. Ici, des rues encore plus étroites, des autels, du street art et des hommages à Maradonna à chaque coin de rue. Il est difficile de se repérer dans ce quartier aux rues orthogonales mais nous finissons par tomber sur notre trattoria. Les gens s'y pressent, il y a un petit stand de spritz et de limoncello juste en face de l'entrée. Nous laissons notre nom au serveur et attendons qu'il nous appelle au micro. 
"ANGELA!" Mon nom raisonne dans tout le quartier. 
Et nous voilà dans une boîte de jour : les serveurs mettent la musique à fond, ils dansent, ils s'égosillent, ils rient... 
Un véritable déjeuner-spectacle ! Nous avons mangé la pasta e patate alla napoletana, des polpette et des aubergines grillées. 
C'est à la bonne franquette, nous passons un super moment. Ah Naples, tu sais vivre ! 
A la sortie, le serveur nous offre un verre de limoncello et prend en photo la page du Routard où se trouve son restaurant. 
Glouglou citronné dans le gosier et hop c'est reparti pour explorer la ville. Nous faisons un petit tour dans le quartier espagnol et tombons sur une oeuvre hommage à Maradonna. 
Nous retrouvons la via Toledo, longeons la Piazza del plebiscito pour aller en direction du quartier de Chiaia. Mais, que se passe t-il donc sur la piazza ? Un camion régie, des caméras, des vieilles voitures... Je demande à un policier ce qu'il se passe, il me répond : "ils sont entrain de tourner une série. Ca s'appelle l'Amie Prodigieuse"
KEWA ?!
Je ne pouvais pas rêver mieux pour mon séjour napolitain. Voir Lena et Lila, les deux héroïnes de la saga littéraire d'Elena Ferrante, marcher en plein Naples est un rêve éveillé pour moi. Les voilà ci-dessous, interpretées par Alba Rohrwacher (Lena, la blonde) et Irene Maiorino (Lila, la brune).
C'est comme voir Audrey Tautou à Montmartre, croiser Alicia Keys à New York ou écouter le générique d'Harry Potter à King's Cross... Oui j'aime vivre dans les clichés mais que voulez-vous, ça fait rêver, merde !
Cette tétralogie littéraire adaptée en série se déroule à Naples et raconte la vie de deux amies issues d'un quartier pauvre au début des années 1950. C'est l'une des oeuvres qui a contribué à ma fascination pour cette ville. Et pour l'Italie en général à vrai dire. 
Nous entendons un "Motore, motore!" et voilà que les figurants se mettent en marche, que les vieilles Vespa font des tours pour impressionner la galerie et au milieu de tout ce manège, Lena et Lila papotent gaiement. Je suis surexcitée. J'ai assisté au tournage de l'Amie prodigieuse à Naples !!
Je reviens peu à peu à la réalité et nous continuons notre route vers le quartier de Chiaia. Nous avons du mal à nous repérer : la ville est en effet construite sur plusieurs niveaux et il nous faut parfois prendre un ascenseur pour atteindre notre destination. Improbable. Chiaia est un quartier assez chic, calme. Rien à voir avec Nennella. Nous longeons le front de mer et apercevons le Castel dell'Ovo. 
Nous décidons de faire le goûter au Gran Bar Riviera, ça nous rappelle la Côte d'Azur. Sophie prend des gâteaux typiques du carnaval : des chiacchiere (cenci en Toscane) et un occhio di bue à la pistache. Pour ma part, il solito : un croissant à la pistache. 
Cette petite pause nous fait du bien. Nous prenons le métro pour rentrer à l'appartement. Sophie fait une candidature et moi je mets à jour mon blog. Nous ressortons pour l'aperitivo et le dîner.  
Oui, on aime manger. Surtout à Naples.

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